La guerre vécue par mon grand père, Georges JUIF

On ne passe pas!  

Qui est Georges JUIF ?

Il est né le 5 février 1898 à Plancher les Mines (Vosges Saonoises)

C’est un ancien combattant de la 1ère Guerre Mondiale (incorporé le 18 avril 1917 comme 2°classe, il sera démobilisé le 30 mai 1920 comme sergent major et passé dans la réserve).

Georges exerce le métier d’instituteur à l’école publique de Lure et il est titulaire du grade de Lieutenant de réserve lorsqu’il est à nouveau mobilisé le 25 août 1939.

Georges est d’abord affecté au 71ème Régiment Régional de protection*(couvrant la région du Haut Rhin avec des implantations à Colmar, Ribeauvillé, Eguisheim et Rouffach) en tant qu’officier « Z » à l’établissement du matériel du régiment.

(« Z » Appellation générique et conventionnelle adoptée après la Première Guerre mondiale pour désigner ce qui était relatif aux gaz de combat (matériel Z, officier Z))

Photo de l’Etat Major du 71e Régiment Régional à Colmar

Le 12 février 1940 il est nommé au commandement de l’atelier de réparation automobile de la 104ème Division d’Infanterie de Forteresse**.

Il est en poste à l’atelier d’INGERSHEIM (Haut Rhin)

* Les régiments régionaux:

  

A partir du 26 août 1939 plus de 110 régiments régionaux et une dizaine de bataillons ont été mobilisés La mission de ses unités est de, soit monter la garde sur des points sensibles du territoire, soit d’être chargées de travaux d’utilité militaire. Les régiments régionaux sont assignés sur un ou deux départements.

 

Les hommes qui composent ces régiments sont âgés de 35 à 45 ans et la plupart ont combattu lors de la 1ère guerre mondiale. L’encadrement est assuré par des officiers et des sous-officiers qui eux ont tous participé à la guerre de 1914-1918.

 

Durant la « drôle de guerre » ils ont monté la garde, surveillé les voies ferrées, les usines, les dépôts, et autres zones sensibles contre d’éventuelles actions ennemies, mais aussi creusé, construit, et aménagé des positions de défense ou des ouvrages militaires.

 

Pendant les combats de mai/juin 1940, ces régiments ont été classés « unités combattantes ». Partout où ils ont été obligés à s’engager dans les combats « les anciens » ont su montrer aux jeunes leur valeur en dépit d’un équipement déficitaire et d’une ambiance générale de défaite.

** les Divisions d’Infanterie de Forteresse:

 

    Elles ont été créées en 1933 afin de constituer des unités spécialement dédiées aux secteurs fortifiés. Certaines troupes sont spécialisées pour occuper les ouvrages de la Ligne Maginot et servir les pièces d’artillerie, d’autres compagnies de mitrailleurs assurant la protection des blockhaus et les intervalles. On trouve également des échelons d’artillerie de campagne, d’infanterie et du génie.

La 104e Division d’infanterie de Forteresse assurait la défense du Secteur Fortifié de Colmar avec les 28e et 42e RIF. Le général COUSSE était à la tête de la 104e Division d’infanterie de Forteresse.

Forte d’environ 15 000 hommes, la 104e DIF est positionnée le long de la frontière sur le Rhin, entre Schoenau et Neuf Brisach avec une première ligne de casemates et de blockhaus construits tout au bord du Rhin, une seconde ligne en retrait, derrière la forêt et enfin une troisième ligne de défense au niveau des premiers villages. Là sont disposées de grosses casemates qui se flanquent mutuellement pour interdire l’accès par les routes venant du fleuve.

En effet  les concepteurs de la Ligne Maginot ont considéré la  barrière naturelle qui est le Rhin. A cette époque il était plus sauvage car non encore totalement canalisé ce qui rendait la traversé du fleuve très aléatoire pour une armée sans disposer des rares ponts et points de passage.

Mais l’artillerie divisionnaire était ridiculement faible : un seul groupe, le 1/170e Régiment d’Artillerie qui n’aligne que 18 tubes sur tout le front de la division !Quant aux blindés, le 18e Bataillon de Chars de Combat (BCC)  ne compte qu’une cinquantaine de vieux Renault FT 17 datant de la 1ère guerre mondiale.

Voilà maintenant la retranscription intégrale de son carnet de guerre.

Les caractères en couleur sont mes commentaires personnels.

« Le 10 mai 1940, attaque allemande par la Belgique et la Hollande. Raids d’avions sur Colmar, 8 bombes de 50kg sur la gare et 13 sur la batterie de DCA.    (DCA =Défense Contre Avions = canons anti-aériens)

11 mai 1940 bombe sur le carrefour de Ribeauvillé.

14/15 mai, indices d’attaques par la Suisse, alerte à partir de 2 h du matin.

17 mai, destruction de ponts devant Neuf Brisach (ponts sur le Rhin, à la frontière franco-allemande pour empêcher leur usage par l’ennemi)

18 mai, charge dispositif de mines sur les berges de l’Ill (rivière alsacienne)

26 mai, l’artillerie française ouvre le feu sur Limbourg et Vieux Brisach.(Breisach am Rhein en Allemagne) Réponse allemande sur les casernements de Markolsheim.

27 mai au soir, un quartier de Jestheim en feu.

5 juin, 3 bouches (à feu = canons) sur les jardins extérieurs de Colmar, le 220 français tire et le 150 (Allemand) riposte.

6 juin, 500 obus de 150 sur la casemate 37/3, ouvrage intact, 1 soldat tué.

Nuit du 8/9 juin, ½ alerte, mise en place de la 54e DI (unités de réserve de série B= réservistes)

Nuit du 9 au 10 juin, Alerte, destruction de la plupart des ponts sur le canal (de la marne au Rhin)

Tirs d’artillerie de contre préparation offensive.

Nuit du 10 au 11 juin, tirs violents de tous calibres derrière Vieux Brisach.(Breisach am Rhein en Allemagne)

11 juin matin, 30 avions bombardent Colmar.

12 juin, retrait de la 54e DI vers les Vosges en prévision du retrait des troupes Maginot (Infanterie positionnée derrière la Ligne Maginot qui était sensée protéger les arrières de la ligne de défense).

Retrait de l’artillerie du 316. (bataillon)

14 juin, attaque allemande devant la 104e DIF sur 40 km. Front DF 44 km. Echec total 28ème RIF. (« Les casemates de berges sont attaquées au canon et percées. Le lendemain les casemates qui résistent encore sont bombardées par les Stukas. Les équipages se sacrifient sur place. Les rescapés se replient sur les Vosges »)  Hommes et ouvrages de la Ligne Maginot, tome 1, Histoire et Collections éditions.

15 juin, l’attaque aboutit vers l’Ill(Au matin du 15 juin 1940, après le repli général des troupes françaises, la VIIe armée allemande du général Dollmann passa à l’attaque et franchit massivement le fleuve entre Rhinau et Neuf-Brisach. Les ouvrages de berges furent neutralisés en quelques minutes par des tirs directs des canons antichar. Les Allemands passèrent le fleuve grâce à des petits bateaux motorisés. Malgré la faible « croûte » de défenseurs français laissés en place, ils subirent deux échecs devant Schoenau et Neuf-Brisach. 

21 h 30 ordre de repli de la ligne Maginot. Manœuvre en retraite dans la nuit. Ill, Walbach, Vir au Val, Munster, La Schlucht .

Sur l’Ill, repli  protégé par 2/42 (active) et 3/242(réserve série B)

A Walbach par CDIF

Wir au Val 302e RI

Campement à la Schlucht.

16 juin, 104e DIF citée au nom de l’armée  (Le 16 juin la défaite était consommée. Les troupes allemandes entrèrent à Colmar le 17 juin, à Mulhouse le 18 et à Strasbourg le 19 juin)

Départ pour Longemer, installation de l’atelier. Couché chez le gérant de la cabine téléphonique.

17 juin, tirs violents de l’artillerie de 155 à Stosswihr et sortie de Munster (destruction de la route de Munster)

18 juin La Schlucht saute (tombe aux mains de l’ennemi)

19 juin, attaque allemande vers La Schlucht, le Hohneck et la 54e DI (col du Bonhomme)

La 104e DIF se défend avec désespoir, on est tournés par le sud.(contournés)

20 juin, le soir, après lâchage du 302e (54e DI) à Fraize et Bonhomme, la DF (104 DIF) avec Etat Major se rassemble le long du lac de Longemer. Nuit dans le bois.

21 juin, surpris par cyclistes munis de mitraillettes, repli en montagne avec le Lt FLEURY.

Rencontré le général et 99 camarades => (« Le lieutenant Georges JUIF, chef de l’atelier auto du QG de la 104 DIF, affirme que « le général a rendu leur liberté à tous ses officiers et au personnel, à condition que véhicules et matériel soient détruits et les archives brulées.JUIF profitera de cette liberté et disparaitra avec le lieutenant FLEURY dans la montagne… ») Roger BRUGE, in Les combattants du 18 juin.

21 à 22 juin, couché sous la tente près du vallon entrée sud du Rheinkopf vers La Bresse. Tirs d’artillerie allemande du Honneck sur le Rheinkopf. Nettoyage des vallées à la mitraillette. Pluie.

23 juin (dimanche) campement sous la tente au sommet de la montagne. Pluie nuit et jour.

Dîner à deux (G.JUIF et Lt FLEURY) avec une demi boite de singe (boite de conserve de corned beef). Ni pain, ni vin.

24 juin, on attend accord avec l’Italie après signature les hostilités cesseront 6 h après. (nouvelles fournies par petit poste de TSF) (radio). Avons trouvé ½ boule de pain mouillé et dévoré.

25 juin, Armistice (17 h 35) et deuil national. Cessation du feu le 26 juin à 1 h 35. Nuit d’orage avec pluie et froid. Réfugiés dans la baraque en bois. Pluie persistante.

26 juin, matin, départ de la baraque à 8 h trajet par bois et par ravins jusque sur les hauteurs de La Bresse. Reçu par braves gens et réconfortés. (le tout à pied bien sur)

27 juin, départ à 3 h du matin, traversée du col de Grosse Pierre, hauteur au large de La Bresse. Mal reçu par imbécile vêtu de noir, trouvé bons paysans. Repas rapide vers Cornimont. Arrivée près de Saulxure chez de braves gens.

28 juin, repos couché dans le foin.

29 juin, départ à 2 h 15. Le patron nous accompagne et fait passer par sentiers : route Remiremont-Gérardmer, Moselotte, voie ferrée. Le village est inoccupé. Trajet pénible et mauvais moral.

Arrivé vers Rupt  à 12 h. Les allemands cantonneraient et seraient nombreux. Après midi dans le bois. Couchage et repas.

30 juin, départ à 2 h du matin, pour Plancher route nationale à l’ouest de Fonrupt /Fordrupt  sur Moselle sur passerelle non détruite et voie ferrée. Triste dimanche à Beulotte St Laurent.

Bonne fin de journée à Servance (beulotte/Servance 8 km de marche). Café avec 2 officiers allemands.

1er juillet, présentés à la Kommandantur . Traités correctement et autorisation de circuler accordée (un Ausweis)

Traduction ce prisonnier de guerre français s’est aujourd’hui dument présenté auprès du maire de Servance.

Il bénéficie d’un laisser passer sans réserves

Le capitaine commandant de l’Ortskommandantur de Servance

« Capturés le 1er juillet, JUIF et FLEURY seront conduits à Servance où ils feront valoir qu’ils ont été pris après l’armistice. Contre toute attente,

ils seront libérés  et recevront un ausweis qui leur permettra de passer en zone libre ». (Roger BRUGE, in Les combattants du 18 juin)

Plus tard, rendu à la vie civile, Georges JUIF relatera plus en détail son aventure et son ami, le lieutenant FLEURY fera de même pour rendre compte à l’Armée de cet épisode.

Voici successivement, le témoignage de mon grand père et en réponse celui du Lieutenant FLEURY

Témoignage de Georges JUIF :

« Le Lieutenant du Génie FLEURY servait en 1940 au Génie de la 104ème DIF.

Le 22 juin 1940 ayant échappé de justesse à la surprise de l’Etat Major de cette division par les Allemands, au sud et au bord du lac de Longemer (route de La Bresse), je ne rencontrais qu’un groupe d’une douzaine d’hommes en ordre et encore en armes dont cet officier avait pris le commandement. Je m’y joins.

J’ai assisté au compte rendu du Lieutenant FLEURY à M. le Général de division COUSSE, ce dernier lui laissant carte blanche. La scène se passe sur les hauteurs sud du lac de Longemer, vers 16 h 30/17 h, sous les sapins et avant un violent orage qui devait par la suite nous égarer.

Le Lt FLEURY essaya d’abord de rejoindre La Bresse, PC de la 8ème Armée mais la nuit nous surprit ainsi que des motocyclistes allemands sur les routes montant vers les hauteurs. Par la suite il eu l’intention de gagner la Suisse mais y renonça vu l’effectif qu’il commandait, ne pouvant passer inaperçu.

Après avoir appris l’Armistice, détérioré et caché les armes, le Lt FLEURY accepta le principe de m’accompagner dans la direction de Lure. Il n’accepta qu’après avoir persuadé ses hommes de tenter, par petits groupes, leurs chance, ce qui fut fait le 26 juin au matin. Le crépitement des mitraillettes continua jusqu’à midi. En ce qui nous concerne, nous réussissons à éviter l’encerclement par les allemands en passant par un ravin que je situe à l’ouest du chaume de Charpemont.

Après avoir erré, souffert du froid (pluie intense) et de la faim, parfois accueillis, parfois rabroués, car nous étions toujours en uniforme et armés, franchi hauteurs et ravins, Moselle et Moselotte, à nos risques et périls, avons exécuté à Beulotte Saint Laurent l’ordre de ne plus persévérer  mais de nous rendre, communiqué par les populations des fermes isolées. L’ordre émanait des autorités françaises, ordre du Général WEYGANT ais je appris par la suite, concernant effectivement les troupes de forteresse.

Interrogé sommairement, le Lt FLEURY n’a pas dévoilé sa qualité d’officier d’active. Les Allemands (Kommandantur de Servance) après discussion, ont laissé cet officier  m’accompagner sur les routes où l’on voyait en effet des militaires français s’en aller librement. Grâce à M. PIERRON, de Servance, qui craignait un revirement des allemands, notre départ fut accéléré, camouflés au fond de la voiture personnelle de ce monsieur.

Le revirement eu lieu (sur ordre d’Hitler retransmis par la kommandantur de Cornimont > affiches interdisant de donner accueil aux militaires français) et les allemands firent la traque aux militaires français et prirent des sanctions contre les populations qui hébergeaient des soldats. Pendant une huitaine de jours, j’hébergeai (à Lure) mon camarade qui jardina pour ne pas se faire remarquer et observait les mouvements sur les routes et voies ferrées.

Malgré mon offre de le caser par mes relations comme instituteur ou autre (cet officier est ingénieur arts et métiers) il estima de son devoir d’officier d’active, d’essayer de sortir de la zone interdite, puis de la zone occupée, afin de rejoindre l’Armée. Il parti par voie ferrée habillé d’effets que je lui donnais.

Il put me faire savoir par la suite qu’il avait réussi et demandé à partir pour l’Afrique.

Quand les troupes de la 1ère Armée montèrent dans les Vosges, et connaissant ses sentiments, je cherchai immédiatement dans les troupes du génie, le Lieutenant FLEURY.

Je n’y parvins pas et pour cause ainsi qu’il me l’expliqua en venant lui même se présenter à mon domicile. Il servait sous un faux nom que lui avait donné le Haut Commandement de l’Armée d’Afrique : « Capitaine DANEY ».

Il appartenait au commandement du Génie de la 1ère DB qui stationna d’ailleurs pendant un mois environ à Lure, lors des durs combats dans les Vosges en 1944″

Belle histoire que ces retrouvailles !

Et voici le rapport du Lieutenant FLEURY :

Le 22 juin 1940la fin des combats de la 104e DIF, c’est le Capitaine d’active (Lieutenant à l’époque)  Louis FLEURY qui témoigne :

« Ayant pris spontanément vers 10 h 30 le commandement d’un groupe d’isolés en armes de la compagnie du génie ayant refusé de se rendre aux sommations des troupes allemandes, je me repliais vers le poste de commandement du général de division pour le prévenir de la fin des ses unités et lui demander en conséquence des ordres pour la conduite à tenir.

En fait le PC avait été également pris par l’ennemi et j’apprenais chemin faisant par quelques rescapés, que seul un groupe d’officiers (et probablement le général lui même ) avait pu leur échapper et prendre la montagne.

De ces isolés, seul le Lieutenant JUIF et son chauffeur eurent l’initiative et le risque de se joindre à un groupe de 2 sous officiers et 13 sapeurs commandé et en ordre, progressant les armes à la main. »

Dans l’après midi, vers 16 h, sur les hauteurs de Chapremont, je réussissais à joindre le général de division COUSSE.

Après avoir rendu compte de ce que j’avais vu et de la fin des combats de la 229/I, de la Cie de transmissions et des éléments du QG, et précisé que les sommations allemandes, en excellent français, sur les rives sud de Longemer annonçant l’armistice avaient semé l’hésitation et le trouble dans les rangs, je demandais ce que j’avais à faire, mes chefs directs ayant été capturés.

Coupé de toute liaison pour connaître de l’avancement des pourparlers de l’armistice (dont nul n’ignorait les négociations depuis la veille), et toute possibilité de prendre des ordres du général commandant la 8ème Armée (à La Bresse), le général COUSSE décida de me laisser carte blanche, et me demanda mes intentions.

Je lui fit part que j’avais la ferme intention de tenter le passage en Suisse (pays neutre) malgré les distances, plutôt que de me rendre, mais que je n’avais guère d’illusions sur mes chances, ayant pris le commandement d’un détachement trop conséquent pour passer inaperçu. De son coté, il m’indiqua qu’il allait tenter, guidé par le Lt Dollinger connaissant le pays, d’aller rendre compte au Général commandant l’Armée à La Bresse, la 104ème DIF ayant terminé sa mission avant de succomber.

Il ne put accepter la protection de ma troupe qu’il trouva trop nombreuse pour traverser les communications allemandes et rejoindre La Bresse et me souhaita bonne chance quand je lui annonçais que je tenterais de même 2 heures après son départ.

Lorsque le groupe du général pris le départ, mon détachement lui présenta les armes, dernière de ses troupes lui ayant rendu les honneurs.

Par la suite, pris par un violent orage, je ne pus trouver la direction de La Bresse, et le lendemain matin, 23 juin, je faisais rallier le baraquement couronnant les hauteurs de Chapremont où divers isolés de toutes armes s’étaient réfugiés à cause d’une pluie persistante.

Dans la nuit du 26 juin, alors que les isolés ayant tenté de franchir les barrages allemands s’étaient heurtés à des feux nourris et impitoyables, j’apprenais les conditions d’armistice grâce à un poste de radio de fortune établi par un soldat des transmissions.

La plupart des éléments présents descendirent de la montagne les 25 et le 26 avec leurs officiers et se rendirent aux autorités allemandes de Gérardmer.

En ce qui me concerne, les armes étant cachées ou hors service, je scindais mon groupe en fractions et les encourageais à tenter leur chance.

Je restais donc le dernier, ne sachant trop que faire, avec le Lieutenant JUIF qui m’encouragea à faire route avec lui. Nous quittâmes le baraquement qu’après nous être assurés qu’aucun objet utile (revolvers, etc) ne restent intacts et utilisables par les Allemands.

Ayant réussi à sortir de cette montagne où nous étions encerclés par les sentinelles allemandes (de nombreux mitraillages me laisse à penser que mes fractions n’ont pas du toutes réussir), l’idée du Lieutenant JUIF, tenace malgré sa fatigue très visible, était de rejoindre Lure, sa résidence, d’ou nous pourrions mieux connaître la situation.

Je l’ai suivi, peu convaincu des chances de succès mais mieux servi par mes forces, étant beaucoup plus jeune.

Je pourrais citer les lieux et les personnes qui nous ont donné l’hospitalité dans les Vosges, les noms des guides qui nous ont fait franchir (à pied) la Moselle et la Moselotte, etc, à leurs risques et périls car nous étions entêtés à demeurer en uniforme, avec nos révolvers sur nous, malgré les conseils des civils.

Enfin, à Servance, après bien des hésitations, nous nous sommes entendus de nous rendre seulement sur ordre des autorités françaises en vertu de la convention d’armistice, par similitude avec la garnison de Belfort en 1870. Nous avons remis nos révolvers à un fermier de Beulotte Saint Laurent (Haute Saône à 30 km de Lure) plutôt qu’aux Allemands.